Bokurano donc, un anime daté de 2007. Pourquoi tous les meilleurs animes sont sortis en 2007 ?
Pardon ? C'est pas un très bon anime ? Chic alors !

Hameçon

Je ne connaissais absolument pas cet anime, il fait partie des nombreuses séries qui me sont passés sous le nez en 2007, pour cause de "trop d'autres choses à regarder". Je l'ai découvert via le niconico douga Kumikyoku :

La musique de dix minutes que tout otaque a entendu au moins une fois sous une de ses multiples formes.


Au milieu de tout ce foutoir , on remarque aisément les morceaux un tant soit peu mélodieux.
Uninstall fait sans conteste partie de ceux-là.

Facile ensuite de chercher dans la playlist de quel anime c'est tiré et de le regarder, "pour voir". Et me voici donc en train de regarder cette série.
Quel piège machiavélique...

Le Concept

Le scénario de départ de Bokurano (Notre Enjeu), est le suivant :
(attention spoil des 4 premiers episodes)

Une quinzaine de collégiens est en vacances dans une colonie au bord de mer. Lors d'une sortie sur la plage alors qu'ils sont laissés seuls, ils découvrent une grotte et décident de l'explorer. Au fond de la cavité rocheuse, ils trouvent un type en train de faire joujou avec une armada d'ordinateurs. L'homme, se faisant appeler Kokopelli, leur explique alors qu'il est là pour développer son jeu vidéo loin du tumulte assourdissant de la ville. Bien sûr, les enfants ne trouvent pas ça louche du tout, puisque après tout, c'est logique de vouloir se retirer en ermite pour développer son jeu tranquille. Qui ne l'a jamais fait ?

Quinze Collégiens

Puisqu'ils sont là, Kokopelli leur propose de l'aider à développer son bouzin en jouant les bêta testeurs. Pour cela il leur fait poser la main sur une sorte de plaque à la forme étrange, en leur disant qu'ils doivent passer ce "pacte" pour jouer à son super méga hit ; le jeu en question consistant à piloter un robot pour sauver la Terre des méchants envahisseurs extraterrestres. Ils s'exécutent tous l'un après l'autre sans se poser de question, sauf la plus jeune de l'équipe, petite sœur d'un des enfants, qui est jugée trop petite pour jouer.
Peu après la petite troupe se réveille sur la plage, et voit deux robots géants qui font un bruit de vieilles locomotives apparaitre sur la côte. Rapidement téléportés dans le cockpit d'un des robots, les bambins y retrouvent Kokopelli, qui leur explique comment piloter l'engin et vaincre leur ennemi, en leur en faisant une petite démonstration. Une fois ceci fait, il leur dit que c'est maintenant à eux qu'il revient de sauver la Terre (pour de vrai parce que c'est pas un jeu en fait, ettonnant, non ?) et disparaît

Zeatrh, le robot

Et donc là déjà, on se dit que waouh, un anime avec des gamins qui doivent sauver le monde en pilotant un robot géant, c'est du jamais vu, quelle originalité sans bornes ! On hallucinera au passage sur le mechdesign tordu du dit robot, et sur la lenteur dont il a fait preuve lors de la démo de Kokopelli. Mais on est loin d'avoir tout vu. Deuxième épisode.

Koemushi

Alors que la bande est encore un peu abasourdie par ce dont elle a été témoin, arrive une sorte de nabaztag volant, moche et avec des dents. Son nom ? Koemushi, Bousier en japonais, traduit si je ne m'abuse par "Truckifouette" dans la mangasse, charmant, non ?
Ce truc qui fouette va leur expliquer qu'ils ont 15 ennemis à battre, et ça tombe bien, ils sont 15, justement. Ils vont donc devoir piloter le gros robot moche et mal designé à tour de rôle en étant choisis au hasard. S'ils perdent contre l'un ou l'autre des ennemis, c'est la Terre tout entière qui disparaîtra. OK donc ça c'est de la petite responsabilité, les gamins s'en accommodent très bien, ils sont même tout excités. Là où ça se corse, c'est qu'après le combat du premier, Koemushi les téléporte à l'extéreur du robot, sur sa carapace, et que le pilote du jour -un footeux sans grand intérêt apparemment- tombe de l'engin et décède lamentablement. Pas cool...
Pas grave, on continue. Le suivant, fils d'un chef d'entreprise, est impatient de livrer son combat et ainsi se sentir encore plus puissant qu'il ne l'est déjà. Il combat donc le 3eme ange ennemi, mais une fois le combat terminé, il tombe raide mort ; c'est ce qui était arrivé à l'autre en fait. Et c'est là que les marmots commencent à comprendre dans quoi ils sont tombés. En gros après chaque bataille, le pilote meurt. Mais s'il refuse de combattre, c'est le monde entier qui disparaît, et lui avec. Les héros de Bokurano n'ont donc pas d'autre choix que de crever. Super non ?

Le Cockpit

Voilà, ça c'est le contenu des 4 premiers épisodes. Vous n'avez pas besoin d'en savoir plus pour comprendre le concept, mais sans eux, impossible de décrire l'anime. Ne vous inquiétez pas, il en reste 20 autres avec lesquels vous pourrez vous amuser.

Le Jeu des chaises

Donc si vous avez saisi, vous sentez venir le mecha psychodramatique tordu et inutilement cruel. Bingo !
Une fois ce concept mis en pratique, qu'est ce que ça donne ?

Hé bien d'abord on se retrouve face à une version morbide du jeu des chaises musicales. Les pilotes potentiels possèdent chacun une chaise dans le cockpit. Cette chaise est la réplique d'un des sièges sur lesquels ils ont l'habitude de s'assoir. Lorsqu'un pilote doit être choisi, les chaises se mettent à tourner, tourner, jusqu'à ce que l'une d'elle s'arrête sur la marque qui est au sol. Le propriétaire de cette chaise est le prochain pilote. Celui-ci se verra alors affublé d'un tatouage étrange, de forme et d'emplacement différents à chaque fois, histoire de bien faire comprendre que c'est lui qui va y passer.
Cette histoire de chaises est omniprésente dans Bokurano. Elles servent à se téléporter dans le cockpit quand les enfants le souhaitent, elles servent à les représenter indirectement, etc...

chaises.gif

S'en suivra plus tard pour chacun de ces pilotes, un affrontement de mecha difformes, réalisés en 3D, et dont le combat est toujours d'une lenteur et d'un inintérêt rarement égalés dans l'animation japonaise moderne. On pourrait se dire à la limite que c'est "réaliste", vu l'inertie que peut avoir une telle masse de métal, de voir les robots bouger à deux à l'heure ; mais au final le résultat est le même : les combats sont aussi palpitants que le fait d'observer une moule accrochée à son rocher. Si vous cherchiez du mecha, c'est rapé donc...

Et pour la géopolitique ? Ben oui, un anime de mecha sans géopolitique, c'est comme Laurel sans Hardy, tout le monde sait ça.
Bah c'est là que ça en devient encore plus comique. Évidemment, chaque fois qu'ils font joujou avec leur gros engin les gosses font quelques milliers de morts dans la population locale. Sinon ce ne serait pas réaliste... et surtout beaucoup moins rigolo. Bien vite, les autorités vont s'apercevoir qu'il y a un robot noir tout moche qui ravage leur beau pays. Les garnements vont donc se retrouver avec l'armée sur le dos, en plus des problèmes qu'ils avaient déjà.
Après recherches, interrogatoires et autre trucs du genre, une poignée de militaires en conclut que ces enfants sont piégés et qu'il faut tout faire pour les sauver, plutôt que leur taper dessus. Bien entendu tout cela n'est jamais rendu public.

De bien beaux uniformes

Pour une raison que je vous laisse le soin de découvrir, deux des militaires vont sceller le pacte, et ainsi rentrer dans la danse morbide décrite plus haut. Par la suite on nous bassinera longuement sur les recherche pour trouver comment sauver ces pauvres enfants de la mort certaine qui les attend. Pourtant la réponse est là : passez tous le pacte les gars, plus vous serez nombreux plus les gamins auront statistiquement de chances de s'en sortir. Mais naturellement, personne n'a pensé à cette solution.
On a ainsi l'impression que les adultes, les parents, les responsables n'en ont finalement pas grand chose à carrer de leur progéniture ; qu'ils crèvent, tant pis pour eux. Au contraire, ici se sont les enfants qui doivent se sacrifier pour le bien être de leurs parents, message difficile à supporter pour quiconque a quelques notions de ce que sont les droits de l'enfant (et même pour ceux ayant simplement du bon sens).

Bref, c'est à la fois réaliste sur certains plans politiques, économiques et militaires, et à la fois complètement demeuré, avec une bonne grosse pancarte marqué "Suspense" dont il faut suivre les indications à la lettre sans se poser de questions.

Leur Enjeu

Heureusement l'intérêt de l'anime n'est pas dans cette histoire à la con, sinon jamais je n'aurais pris la peine de regarder cette chose jusqu'au bout. Non, le cœur de la série, ce sont les histoires des différents personnages eux-même.

En réalité, toute cette histoire de robot pourri et de fin du monde n'est qu'un prétexte pour dresser un à un les portraits des personnages. Chaque fois que l'un des enfants est choisi, on se met à suivre sa vie, avant et après qu'il ait été désigné comme pilote. Et cette vie là est autrement plus intéressante et bien traitée que l'histoire "principale".

Oh, un matsuri !

Ce qui est vraiment intéressant dans cet anime, c'est l'éventail assez large de personnalités qui compose le groupe d'enfants. Tout y passe, de la fille à papa gatée et niaise au chef de famille par procuration devant s'occuper de ses quatre frères et sœurs, en passant par les victimes d'abus sexuels ou d'ijime. Et certains en prennent plein la gueule ; père absent, mère battue, viol, parenticide, rien n'est laissé de côté pour décrire ce qui peut se passer dans une famille.
L'âge des protagonistes est aussi très bien choisi. 12 ans, un age où l'on est encore dans l'enfance, mais où l'on est déjà conscient de pas mal des réalités du monde qui nous entoure. Leur rapport au gros mecha n'en est que plus complexe, certains trouvent ça cool, d'autres se rendent bien compte qu'ils vont mourir et en deviennent fous. Il y en a qui en profitent pour essayer d'améliorer la situation de leur proches, tandis que d'autres l'utilisent au contraire pour se venger.


L'ending met bien l'accent sur la diversité des personnages

Et les portraits se croisent et s'entremêlent, car à travers l'histoire de l'un, on aperçoit souvent un peu de l'histoire de l'autre. Il en résulte évidemment que les derniers à passer à la moulinette sont les personnages avec les histoires les plus complexes et travaillées. En effet, plus on a de temps pour décrire un personnage, plus il devient recherché et profond. Ceux morts trop vite n'ont pas cette chance, et c'est bien dommages, car certains d'entre eux auraient mérités meilleur développement.

On pestera donc contre l'idée du mecha et de cette cage qui nous enferme et qui rétrécit de plus en plus, sans nous laisser aucun espoir de nous en échapper, alors même qu'on y voit des trous partout..
A quoi sert cette épée de Damocles suspendue au dessus de notre tête ? L'auteur avait-il réellement besoin de mettre en place ce stratagème fumeux pour nous montrer les actions et réactions d'une frange d'adolescents se voulant représentative de la société japonaise ? Avait-il besoin de nous exposer ces combats lents, inutiles et dépourvus d'intérêt, alors qu'il aurait pu utiliser son temps pour encore mieux décrire ces échantillons de société ?
Pire, la mort des pilote en elle-même a dans sa forme une fâcheuse tendance à tout foutre par terre. Alors que l'on a passé un ou plusieurs épisode à décrire sa personnalité, souvent complexe et torturée, on finit la plupart du temps par un bon vieux "je vais donner ma vie pour sauver la Terre, fight !" des plus niais, surement pour rentrer dans le moule des productions télévisées.
Vous voulez du mecha ? Faites ça bien, faites en sorte que cela ait un intérêt. Prenez Evangelion, par exemple. Le principe n'est pas si éloigné. Dans Evangelion, les Eva sont aussi un prétexte à faire passer quelque chose de plus gros, de plus lourd et de plus important. Les combats sont-ils pour autant poussifs et inintéressants ? Non !

Mangasse et polémique

Bokurano manga

Voyez comme la polémique peut se placer sur quelque chose de complètement différent de ce que vous attendiez. En fouillant un peu le net, on tombe sur des histoires et des querelles à la con dont tout le monde se fout deux ans après. Mais comme cela fait partie du background de cet anime, bien obligé d'en parler.
Au début de la diffusion de l'anime, fin 2007, les fans de tout bords ont appris avec effroi que Hiroyuki Morita, réalisateur du Royaume des Chat et de la série Bokurano chez Gonzo n'aimait pas le manga original de Mohiro Kitoh (disponible en France chez Asuka depuis 2008). On nous explique donc que le scénario va avoir droit a de lourdes modifications, pour que cette histoire horrible soit présentable à la télé. Gonzo n'en étant à l'époque déjà plus à son coup d'essai en matière de productions bancales, s'ensuivent évidemment trolls, tollés, appels au boycott par Kitoh et autres joyeusetés...

Je n'ai pas lu le manga original, et je n'en ai d'ailleurs pas franchement l'envie, donc si vous voulez plus d'info il faudra demander à quelqu'un d'autre, mais d'après ce que j'en sais, le concept de base reste le même. Le gentil monsieur de chez Gonzo n'a donc surement fait que mâcher et édulcorer une histoire originale qui devait être encore bien plus sadique et torturée pour tenter de la rendre présentable aux spectateurs internationaux. Car oui, Gonzo formate ses animes pour plaire a un public large, ce qui est logique commercialement parlant mais donne souvent des animes tenant à peine sur leurs pattes en terme de qualité. Mais vu que le concept de base est lui-même en cause dans cette œuvre, j'aurais tendance à penser qu'on s'en fout.

Avis Général

Je suis on ne peut plus partagé en ce qui concerne cette série.

D'un côté le concept de base et le contexte affreusement sadiques et inutilement torturés me filent des envie de gerber, mais de l'autre je suis bien obligé de reconnaitre que malgré cet emballage dégoulinant de mauvais goût, la série arrive bel et bien à développer quelque chose de prenant et d'intéressant.
Il y a des aspects sur lesquels on ne peut pas nier que c'est intelligent, et il y en a d'autres sur lesquels quelq'un d'intelligent trouvera que c'est affreusement niais. (Hop !). C'est un Gonzo quoi...
J'imagine que le manga enlève pas mal de la niaiserie du titre mais doit être encore beaucoup plus difficile à supporter en étant encore plus sadique.

Je n'irai donc pas jusqu'à dire que Bokurano est mauvais, mais je n'ai pas non plus envie de dire qu'il est bon. Maheureusement "moyen" n'est pas non plus un terme qui convient.

Un bras

Dans tous les cas cette série n'est pas à mettre sous les yeux de tous les publics. Ce n'est pas particulièrement gore visuellement mais au niveau psychologique c'est autre chose.
Cette série est donc déconseillée :

  • Aux enfants de moins de 16 ans. (Parce que nous savons ce qui est bon pour eux)
  • Aux personnes ayant des tendances paranoïaques. (D'ailleurs qu'est-ce que vous foutez sur le net ? C'est plein de chinois du FBI qui travaillent pour Google)
  • Aux femmes enceintes. (Parce qu'elles, elles ont RIEN le droit de faire)
  • Aux dépressifs chroniques. (Prenez un bon Hidamari Sketch plutôt)

Par contre son opening est recommandé pour les oreilles de tous.