J'ai alors réalisé que le type qui avait écrit ce commentaire avait finalement une vision assez similaire à la mienne de Totoro.
Ce qui importe dans Totoro, ce n'est pas vraiment le gros monstre poilu au sourire pervers qui s'éclate avec un parapluie. Non, ça c'est juste un des moment d'animation les plus funs que j'ai vu mais ce qu'il faut voir c'est ce qu'il y a derrière. La représentation qui est faite de l'enfance, de cette curiosité, de ce rapport au monde qu'on a quand on est enfant. Ce sont les enfants présents dans le film qui créent leur propre univers, pas le film qui a un univers statique qui va les accueillir. Dennou Coil, c'est un peu le même principe, dans un autre décor.

Des lunettes à réalité augmentéeIci on ne parle pas de la campagne japonaise des années 50, mais de Daikoku, une ville d'apparence actuelle, un peu paumée sans être franchement déserte. Toute l'intrigue de l'anime est centrée autour de lunettes futuristes qui seraient en quelque sorte l'objet abouti de la convergence électronique actuelle. Elles servent de PC portable, de mobile, de GPS, etc... Pour fonctionner elles se connectent à un réseau déployé sur la ville (et surement dans d'autres villes d'ailleurs). Appelé Cybersphère, c'est en fait un espace virtuel superposé à la ville elle même, dans lequel évoluent des données, des objets, des animaux virtuels et bien d'autres choses encore...
Les lunettes permettent de voir et d'interagir avec toutes ces choses qui composent le cyberespace de la ville, tout en se conformant à la réalité. Le concept est donc celui de réalité augmentée dont vous avez sûrement déjà entendu parler.

Voila pour le contexte général.

La série se base du point de vue des enfants qui vivent dans cette ville. Au début, on suit Yuko, une écolière, sa jeune sœur Kyoko et leur cyberchien Densuke qui viennent de déménager en ville et ne connaissent donc pas encore les particularité du cyberespace local. Bien vite, Yuko, surnommée Yasako, va se rendre compte que leur grand mère, chez qui elles sont venue habiter, a formé avec les enfants du quartier une sorte de brigade dont le but est de chercher les bugs et les problèmes qui peuvent survenir sur le réseau. On l'accompagne donc dans la découverte de cet environnement, dans les rues, à l'école etc... Peu à peu, on voit des groupes d'enfants se former et rivaliser en une sorte de guerre des boutons virtuelle.
Malgré la modernité de l'ensemble, les traditions japonaises sont très présentes. Ainsi par exemple, lorsque les enfants sont poursuivis par des antivirus menaçants, il leur suffit de se réfugier dans un temple bouddhiste, ou de créer un "sanctuaire" à la craie sur le sol, ce qui donne d'ailleurs une version futuriste du chat perché assez sympathique .

Arukou arukou watashi wa genki...

Arukou arukou watashi wa genki...

Attention malgré tout, même si c'est bon enfant, l'ambiance est quand même assez mélancolique.
Il suffit de regarder les génériques pour se rendre compte que l'ambiance n'est pas toujours au beau fixe :

Le côté Lain est bel et bien là. On a des enfants qui à force de faire joujou avec leurs lunettes de façon toujours plus efficace mais dangereuse, finissent par en être dépendants, ou par se ruiner la santé. Ces problèmes sont néanmoins abordés de façon assez intelligentes, on est bien loin de l'article de journal relatant le crime d'un jeune garçon QUI JOUAIT AUX JEUX VIDEOS DE GUERRE. NON MAIS VOUS VOUS RENDEZ COMPTE ? Nonon, ici on essaie d'éviter les raccourcis et les préjugés.
L'anime montre surtout que la différence entre le réel et le virtuel n'est pas toujours bien visible et évidente. A tel point que certains de ces bambins se retrouvent comme coincés dans la matrice le Wired euh... la cybersphère, aux prises avec un monde qu'ils participent à construire et à faire évoluer, mais qu'ils ne maitrisent pas totalement.

De l'eau partout et des gros poisson

Certains des problèmes qui surviennent sont sans réelle gravité et font sourire le spectateur, tandis que d'autres, nettement plus sérieux, déclencheront une réelle réflexion.

Isako En particulier, le personnage de Isako, surdouée de l'encodage et autres techniques de haxxors sert beaucoup à cet aspect de l'anime. D'abord présentée comme invincible et intouchable, sa carapace s'écaille lentement pour voir apparaître un personnage très bien construit et réellement réfléchi.

Côté character desing, on a droit à un trait assez simple, qui rappelle beaucoup les productions Ghibli. Et c'est normal, puisque Mitsuo Iso, créateur de cette série ambitieuse, a lui-même exercé pour le studio, en particulier sur Porco Rosso et Omoide Poro Poro, et a embarqué avec lui certains de ses anciens collègues. Le style est donc proche, mais s'en démarque assez nettement pour ne pas le plagier carrément.

L'aspect graphique en lui même plutôt surprenant, les effets ne sont pas à proprement dire spectaculaires ou impressionnant, mais ils sont surtout très cohérents avec l'univers de la série. C'est suffisamment bien fait pour être agréable à regarder, et suffisamment sobre pour être crédible. On a parfois l'impression que la vidéo est bugguée, et c'est exactement l'effet que les animateurs cherchaient à reproduire.

Les effets d'erreurs de fichiers en tout genre sont très réussis.

- Dis donc Marcel, t'as fait quoi sur l'enco là ? C'est tout moche.
- Ah mais j'y suis pour rien moi Robert, la source était comme ça.

Mange tes artefacts de compression.

Une des plus grande réussite de l'anime étant cet univers particulier et envoutant, ce choix graphique le sert au mieux.
D'une manière générale, c'est surtout cet univers original et bien conçu qu'on retiendra de la série. Bien conçu car il ne s'impose pas aux protagonistes, mais les influence et est influencé en retour par leurs actions. Difficile pour le spectateur, a fortiori blogger, de ne pas y voir notre internet, si familier et pourtant chaque jour plus complexe.


On décrit souvent le japon comme un pays au subtil mélange entre tradition et modernité. Cet anime en est pour moi un exemple parfait.
Difficile de ne pas voir l'effort et la réflexion dans ce projet qui a demandé des années à son concepteur avant de voir le jour. Oscillant constamment entre gravité et légèreté, entre traditions et avant-gardisme, entre joie et mélancolie, c'est un anime unique comme on aimerait en voir bien plus souvent.

Cette série est datée du printemps 2007 et n'est à l'heure actuelle toujours pas disponible en DVD en France, comme c'est le cas pour bien d'autre séries qui le mériteraient, par exemple Mushishi (2006) et Kamichu! (2005) qui n'ont toujours pas d'éditeur, ou pire comme c'est le cas de Honey and Clover (2005), dont Kana a les droit mais ne sort pas les galettes.
Messieurs les éditeurs, si d'aventure vous passez par ici, vous savez ce qu'il vous reste à faire.

Dennou Coil

Article rafistolé comme j'ai pu. Promis, après JE j'en fait un tout neuf.